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Tant pète le désert des esprits qu’à la fin il pue la mort

samedi 15 février 2014

Tant pète le désert des esprits
Qu’à la fin il pue la mort !*

*Commentaire de la première intervention militaire contre l’Irak encaserné par Saddam Hussein, baptisée « Tempête du désert » par les scénaristes de ce mauvais western.

Bien sûr, nous n’irons pas mourir pour les rois du pétrole, pour les empereurs du beurre et des canons, du sucre et des mensonges, ni pour le droit de ces ordures à faire de la planète leur terrain de chasse.

Bien sûr, nous chions sur les appels à « l’unité nationale » des maîtres autoamnistiés qui brandissent le prétexte de cette guerre décidée par-dessus nos têtes pour quadriller encore plus le territoire de flics encore plus inquisiteurs, arrogants et flingueurs que d’habitude.

Bien sûr, nous ne trouvons pas mélodieux les gros sabots de « l’économie menacée » au nom de laquelle on se prépare à interdire les grèves et prendre un peu plus l’argent chez les pauvres !

Bien sûr, nous qui savions déjà que Saddam Hussein était une sacrée saloperie lorsque ses ennemis d’aujourd’hui lui fournissaient hier les armes pour gazer ses kurdes, ne sommes pas assez bluffés par les leurres médiatiques pour applaudir une croisade qui ne peut que nourrir les fanatismes en tous genres et dresser les pauvres aveuglément les uns contre les autres au grand bénéfice de tous ceux qui les gouvernent.

Bien sûr, nous sommes écœurés par la propagande qui nous vante les bombes propres épargnant les civils alors que nous savons bien, tendres yeux noirs, splendides boucles brunes, que c’est sur vous qu’elles tombent.

Bien sûr, nous avons envie de vomir en voyant les stalinauds du Kremlin saisir l’occasion pour perestroïker leurs baltes à la mitraillette, et le gang de Deng Xiao Ping en profiter pour achever les mécontents chinois qui avaient échappé aux chenilles de ses chars.

Bien sûr, nous dégueulons par tous les orifices cet assujettissement de nos vies aux crevures en tous genres, cette dictature de la guerre qui nous tombe dessus ainsi que sur tant d’autres peuples comme un coup de baïonnette dans les tripes, au détour de nos impuissances d’« hommes de la rue ». Bien sûr, nous haïssons d’avance ce qu’elle va favoriser comme déferlement d’obscurantisme, de mensonges, d’hypocrisie, d’arbitraire, d’hystérie, de haine, de terreur.

Mais nous sommes encore plus écœurés de voir tant de lécheurs d’hémorroïdes présidentielles, carpettes à l’affut d’une part du gâteau public et putes de tous acabits et de tous styles profiter de l’occasion pour essayer de se faire un lifting séduisant en arborant devant les caméras leurs bouches en culs de poules réprobatrices et leurs belles vestes réversibles de pacifistes.

Nous sommes écœurés de voir les plus gros discrédités de l’histoire repeindre hâtivement en pré vert les terrains vagues dans lesquels ils ont, pendant trente ans, fait un mauvais parti aux révoltes des prolétaires. (1)

Nous sommes écœurés de voir ceux qui nous faisaient hier l’éloge de la farce tranquille affecter la surprise et feindre de croire que toutes les magouilles qu’ils ont justifiées et soutenues pouvaient aboutir à autre chose que cette entrée en guerre de La France notifiée aux français par le dieu des floués patients et des escroqués qui en redemandent. (2)

Oui, nous sommes écœurés, tout autant que par la guerre, par ce cœur de starlettes arrivistes et de vieilles charognes sordides entonnant tapageusement le canon des 75 (3) Nous sommes écœurés par la manière dont ces rats essaient de captiver la haine de la guerre au profit de leur plan de carrière dans l’ordre social qui cause les guerres.

Quoi ? Ceux qui hier tapaient sur le ventre de Ceaucescu ou fermaient les yeux sur les saletés d’Hassan II ; ceux qui brisaient les grèves de l’intérieur et faisaient l’éloge de mesures « économiques » justifiant une recrudescence de l’exploitation des serfs du big business ; ceux qui applaudissaient aux progrès de la mise sous surveillance étatique de tous les instants de l’existence et qui répétaient à l’envi les mensonges sur la grande liberté des locataires couillonnés du supermarché démocrate ; ceux qui n’avaient de cesse de nous convaincre que pour être maîtres de nos destins il suffirait de participer à cette parodie de choix qu’est l’élection d’un politicien à un poste où il fera de manière incontrôlable ce qu’il veut ; ceux, enfin, qui se flattaient de la santé du marché de l’armement et de la garantie de l’emploi qu’il assurait ; tous ceux là affectent aujourd’hui de s’étonner que l’ordre social dont ils ont si fermement défendu tant d’aspects puants aboutisse à cette guerre imparable ; que les maîtres dont ils ont si ardemment plébiscité toutes les tricheries et tous les coups bas imposent cette décision sanglante à leurs sujets.

Saletés ! Ils ne cherchent qu’à sauver ce que cette guerre menace aussi, par le dégoût qu’elle provoque : La foi dans les mensonges sous l’enseigne desquels ils tiennent boutique.

S’ils demandent aux autorités de mettre fin rapidement à la guerre c’est avec cette « sagesse » de conseillers des princes qui les conjurent de ne pas commettre d’erreurs pouvant exciter le peuple à la lucidité sur la nature de l’ordre régnant et à la révolte qui pourrait en découler. En réclamant la paix ils demandent aux chefs d’États de jeter du lest pour ne pas faire chavirer la galère de la paix sociale qui n’avance que par la force des illusions abusant ceux qui rament sur ses bancs.

Car il serait dangereux pour ceux qui règnent aujourd’hui sur le monde que les hommes comprennent ce qui, essentiellement, a pu permettre au poker menteur d’Hussein et de Bush de faire marcher une partie de l’humanité au pas de l’oie de sa logique meurtrière. (4)

La guerre du Golfe est le résultat de l’asservissement de la société à une minorité qui lui dicte son sort. La guerre du Golfe est le résultat de l’échec des hommes d’aujourd’hui à contrôler eux-mêmes leur destin. Elle est la conséquence de l’incapacité des peuples à empêcher que des ordures décident à leur place et en leur nom. Elle est l’aboutissement logique de la perte totale du pouvoir des citoyens sur ceux qui sont censés les représenter et qui usent d’eux comme de marchepieds. Elle est l’aboutissement logique de décennies d’un décervelage d’une subtilité jamais atteinte auparavant dans l’Histoire. Cette guerre est l’enfant cruel du désert de l’esprit qui consent à toutes les servitudes.

Alors rien ne sert de faire rire les gouvernements et les marchands de missiles en mendiant leur bonne volonté dans des défilés laxatifs, organisés par des spécialistes en découragement des colères. (5)
Qui veut aujourd’hui l’arrêt de l’hystérie guerrière doit combattre concrètement tout ce qui, dans la société actuelle, a pu en favoriser la venue et en soutient la prolongation, sans en exclure les mensonges défendus par les colombes qui dénoncent spectaculairement les excès de l’ordre assassin aux divers râteliers duquel elles ne cessent de se gaver.

Et qui veut croire que la guerre n’est qu’une « connerie » accidentelle de l’organisation sociale dominante peut préparer ses larmes. Il en aura encore souvent besoin. (6)

Gédicus
Février 1991.

(1) Le parti stalinaud français avait, à l’occasion, placardé des affiches avec la phrase de Prévert « Quelle connerie la guerre ! » Rappelons que Prévert avait toujours refusé d’adhérer à ce parti pour ne pas « être mis en cellule ».

(2) Cette déclaration de guerre a été décidée en France par le gouvernement Mitterrand. Parmi ses ardents défenseurs se trouvait un jeune loup du PS : François Hollande.

(3) Cette coalition pacifiste disparate s’était organisée suite à un Appel de 75 personnalités politico-médiatiques.

(4) Un exemple : Le 10 octobre 1990, au cours d’une gigantesque audition télévisée, des témoins décrivent devant le Congrès des États-Unis les horreurs commises au Koweit par les troupes d’occupation. Chacun est bouleversé par le témoignage d’une infirmière koweitienne éplorée qui raconte comment les soudards irakiens ont débranché les appareils qui maintenaient en vie les prématurés de son hôpital et tué les nourrissons sans pitié en les jetant par terre. On découvrira plus tard que la prétendue infirmière n’était autre que la fille de l’ambassadeur du Koweit aux États-Unis et n’avait rien à voir avec les soins aux prématurés. Son témoignage avait été monté de toutes pièces par les services secrets américains. En attendant, la supercherie a convaincu le Congrès américain d’autoriser président Bush à engager la guerre. Quelques années plus tard, ce sera la mise en scène de prétendues « armes de destruction massive » inexistantes qui rempliront cette fonction, sans que les gouvernants ayant brandi l’épouvantail de ce mensonge colossal en soient inquiétés.

(5) En effet, bien qu’elles aient rassemblé des foules, les manifestations pacifistes n’ont pas fait bouger d’un iota les décisions des maîtres du monde. Ceux-ci ont pris l’habitude de mépriser allègrement ce genre de manifestations inoffensives pour eux. Rappelons que l’écrivain Gilles Perrault, ayant démissionné du groupement des 75, et ayant seul appelé à la « destruction et au sabotage de la machine de guerre » a dû subir non seulement des poursuites judiciaires, ce qui est logique du point de vue de l’État, mais aussi les calomnies de ses ex-camarades pacifistes l’accusant de discréditer leur mouvement et d’en faciliter la répression (Alors que la mollesse de ce mouvement le mettait évidemment à l’abri d’une telle répression).

(6) L’avenir l’a malheureusement confirmé.