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Rien à foot !

mercredi 6 août 2014

Une fois de plus, me voilà contraint de découvrir que, quoiqu’étant né dans ce pays et descendant de nombreuses générations issues de ce terroir, et quoiqu’aimant bien des gens qui y vivent, des lieux qui l’embellissent et des traditions qui l’honorent, je ne suis pas français. Car la France, me dit une autorité indiscutable, la France est triste accablée par l’énorme déception causée par l’élimination de son équipe de footeux du grand show mondial.

Or, moi, j’aurais plutôt tendance à me réjouir de ce risible « drame » gaulois et même à volontiers arroser ça.

Que les emmaillotés qui avaient pour tâche d’hypnotiser ceux que les gazettes nomment « le peuple d’en bas » en leur faisant confondre le but de leur vie avec une cage de goal se soient fait dégommer à mi-parcours de leur shoots par d’autres faisant le même travail pour d’autres sponsors, cela me laisse de marbre, mais d’un marbre fragile que fissurent volontiers les quintes de rire.

Je ne suis donc pas français puisque, d’avis de ministre et de grand vizir, la France est triste de cette déculottée et que, moi, j’étais plutôt triste de voir tant de mes contemporains prendre au sérieux cette pantalonnade.

Mais ayant été, dans une jeunesse que je ne renie pas, un ardent admirateur des surréalistes conspuant Anatole France et insultant les patriotards, je suis plus fier que rougissant de faire ce constat : Je ne suis pas français.

Qu’on me le reproche risque moins de me toucher que la plupart de ces « bleus » dont, maintenant qu’ils ont perdu, bien des franchouillards vont trouver que le physique était un peu trop noir et que ceci explique cela. Votez pour un foot de préférence nationale !

Bien que trouvant évidemment ce genre de propos raciste sordide, je ne m’apitoierai pas trop sur le sort de ces étalons de grand prix, chacun plus argenté que toute l’Argentine, car ils risquent peu d’avoir ne serai-ce qu’un vague aperçu de ce que peut être la vie d’un prolo « étranger » devant négocier sans cesse les paperasses qui lui permettront de prendre le métro pour se rendre au chagrin sans se faire interpeller, contrôler, humilier, insulter, frapper et expulser.

Je ne suis donc pas français. Me le confirme aussi la pitrerie électorale qui se déroule sous mes yeux déplorablement contraints d’y assister et qui semble vouloir faire admettre à mon esprit rétif que la servitude volontaire n’aura jamais de fin sinon dans l’explosion cosmique de la planète.

Il semble bien, en effet, que malgré l’honorable score du parti abstentionniste une forte proportion des vilains parqués sur ce territoire préfère compter sur la protection du seigneur Jacouille la fripouille plutôt que d’entrer dignement en Jacquerie.

Il semble bien, donc, que les temps à venir s’annoncent aussi agréables à vivre que l’interpellation d’un jeune bronzé de banlieue par un escadron de soudards sécuritaires.

Dire que je ne trouve pas là matière à réjouissance mais plutôt à colère entérinera sans doute le constat qui ouvrait cette chronique et par lequel je ne crains pas de la clore : Je ne suis pas français.

A la prochaine, si Déroulède ne m’a pas étranglé.

Gédicus, le 14 juin 2002.