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Une bonne révolution.

mercredi 6 août 2014

S’autorisant à faire ce qu’il croit être la morale aux « boudeurs d’isoloirs » qui ont été majoritaires aux dernières élections, un éditorialiste de la presse citron leur reproche de refuser « l’action politique » et les gourmande : Pour être gouverné comme on le souhaite, il faut choisir, s’engager.

Ce donneur de mauvaises leçons veut évidemment ignorer que le fait de bouder l’isoloir est une manière de s’engager et, pour certains dont je suis, s’engager à ne pas abdiquer aux mains de gouvernants le pouvoir de décider dans quelle société ils veulent vivre. Refuser de participer à la farce du choix entre requins et vampires n’est, en ce cas, que le premier pas d’une « action politique » qui consiste à prendre ses affaires en main.

Les hommes que le balancier des veautants, ne sachant plus à quel pitbull se vouer, vient de placer sur le trône peuvent bien se flatter d’avoir les coudées franches pour appliquer ce qu’ils appellent leur politique qui ne consiste qu’à fliquer toujours plus le peuple d’en bas pour que celui d’en haut puisse continuer à se remplir les poches en pillant et ravageant la planète et écrasant l’humanité, le parti de ceux qu’ils n’abusent plus ne cesse de s’agrandir.

Ils ont oublié qu’ils pourraient prendre des coups de pieds au cul. Il faudrait une bonne révolution ! Celui qui me tenait ces propos, hier, n’a rien du punk incendiaire ni de l’obstiné soixante-huitard atrabilaire que la caricature dépeint habituellement comme partisans de l’idée de révolution. C’est un restaurateur à bedaine chaleureuse, gentil et délicat, le plus rond des hommes, pas du genre à faire mal à quiconque mais que le dégoût pour le cynisme gouvernant a mené à ce genre de propos.

« Il faudrait une bonne révolution ». Propos de bistrot, diront en chœur les muscadins méprisants et les pessimistes chroniques. « Ça n’ira pas plus loin. Le prolo aboie mais la caravane capitaliste passe ».

Ça n’ira pas plus loin ? Peut être. Notant l’ambiance qui régnait en France au début de l’année 1848, Alexis de Tocqueville constate que la nation entière s’était habituée à voir dans les luttes politiciennes des querelles intérieures entre les enfants d’une même famille cherchant à se friponner les uns les autres et persuadée que toute la classe qui gouvernait était corrompue (…) avait conçu pour celle-ci un mépris tranquille qu’on prenait pour une soumission confiante et satisfaite. Deux mois plus tard c’était la révolution.

C’était il y a bien longtemps, me dira t’on. En des temps où la dignité n’était pas un vain mot pour ce peuple plusieurs fois insurgé en un demi-siècle. C’est certain : les temps ont changé et l’esprit des hommes aussi, qu’il semble désormais aisé de dompter au baratin soutenu par les matraques. Le mot dignité, aujourd’hui, semble souvent très incongru. Le restera t’il ?
Tout désabusé que je sois, je n’en jurerais pas.

A la prochaine, si les flash-balls m’ont loupé.

Gédicus, le 21 juin 2002.